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D’un si grand don l’indigne repentir ;
Et la plaignant, mesme à peine sa veue
De son aspect se trouve despourveue,
Qu’il en gemit, comme si le tombeau
Avoit enclos tout ce qu’il eut de beau.
Il est bien vray que nos torrens de larmes
Procedent moins de perdre ainsi les charmes
D’un si doux astre au front si glorieux,
Que de penser, en ce temps furieux,
Aux longs travaux du penible voyage
Où, sous les loix de son saint mariage,
Amour l’oblige avec quelque rigueur,
Quand tu fais voir ta plus rude vigueur,
Quand les forests, sous tes froides bruines,
De leurs beautez deplorent les ruines ;
Quand tu transis l’onde, la terre et l’air ;
Quand le feu mesme, estincelant et clair
Fremit, petille et ne semble qu’à peine
Se garantir de ta cruelle haleine,
Et quand, enfin, tous tes bruyans suppos,
De l’univers bannissent le repos.
Apprens, au reste, et soit dit sans menace,
Que si bien tost on ne voit la bonace,
Si pour deux mois tu ne laisses en paix
L’air agité de tourbillons espais,
Ce beau soleil pour qui ton roi souspire
D’un seul rayon destruira ton empire ;
Te montrera combien tu luy desplus,
Et de l’hyver on ne parlera plus.
Sois donc plus doux ; montre, s’il t’est possible
Qu’aux justes vœux tu n’es point insensible ;
Suspens ta force, et pour ton propre bien,
En ce besoin ne me refuse rien.
Or en tout cas, si ta fureur ne cesse,
Contente toy de voir cette princesse