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Ce fut sans doute un des traits de l’Autonne,
Qui, de despit de ce que tu detruits
Sa pompe verte, et son regne, et ses fruits,
Du fier Midy sollicitant la rage,
Tascha soudain, par quelque insigne outrage,
De se venger et du Nort et de toy
Sur les vaisseaux envoyez de ton roy.
Ouy, c’en fut un, ce fut sa violence,
Ce fut sa noire et jalouse insolence,
Qui, prevoyant qu’on t’alloit obtenir
Le plus grand bien qui te puisse avenir,
Fit ses efforts, arma le vent et l’onde
Contre la trouppe auguste et vagabonde,
Pour t’empescher d’estre un jour honoré
Du plus bel œil qu’Amour ait adoré.
Mais sa fureur fut impuissante et vaine :
L’affection triompha de la haine ;
Elle prit terre, et, preste à retourner,
Desjà Louise elle veut emmener.
Ha ! qu’en ce point la France est combatue !
Que ce depart qui nous plaist et nous tue,
Par des effets l’un à l’autre opposez,
Confond en nous de pensers divisez !
Nos cœurs, induits à se livrer en proye
Tantost au dueil et tantost à la joye,
Sont suspendus entre ces passions,
Et nostre chois retient ses fonctions :
Car d’un costé, quand sa gloire immortelle
Nous entretient du trosne qui l’appelle,
Quand nous songeons à sa propre grandeur,
À sa fortune, à sa haute splendeur,
Tous nos esprits penchent vers l’allegresse ;
Nostre raison blasme nostre tendresse,
L’aise l’emporte, et le moindre moment
Nous semble injuste en son retardement.