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Comme le seul qui donne ame à Cerès,
Qui rend l’air sain, qui purge les guerets,
Et qui fabrique en un moment sur l’onde
Des chemins secs, les plus riches du monde.
Du grand Ronsard l’hymne s’y chantera,
Et de mes vers peut-estre on y lira,
Vers qu’autrefois, en un passage estrange,
Ma chere muse a faits à ta louange ;
Vers qu’on estime, et qui, sans vanité,
Meritent bien que je sois escouté.
Escoute donc, escoute ma demande,
Rends-toy plus doux, fay qu’Éole commande
Aux vents mutins, durs fleaux de ta saison,
De vivre en paix dans sa noire prison ;
Que, si Borée en obtient la sortie,
Son front soit tel qu’il fut pour Orithie,
Lorsque l’amour vit cet audacieux,
Pour la gagner prendre un air gracieux
Banir de soy l’orage et la tempeste,
Ployer l’orgueil qui couronne sa teste,
Et d’un maintien et soumis et vainqueur
Forcer la nymphe à luy donner son cœur.
Or, noble Hyver, ne crois pas que Neptune
Doive pourtant, au gré de la fortune,
Porter ma reine où pour la recevoir
Tout le Nort brille et se range au devoir.
Ne pense pas que l’on vueille commettre
Ce beau tresor, cher suject de ma lettre,
À l’avanture, à la foy des dangers
Que sur les flots courent les pins legers.
Les grands perils de l’illustre ambassade,
Sauvée à peine au doux sein d’une rade,
Monstrent assez que l’infidelité
Est de la mer la belle qualité.
Et toutesfois, qu’aucun ne s’en estonne,