Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Quoy que tous nuds, ils semblent estre braves ;
Leurs libres pieds haïssent les entraves ;
Du sot vulgaire ils detestent l’erreur ;
Ils ont sur tout la bassesse en horreur ;
Pour leur fortune aucun grand ils ne prient ;
Ils ne sont point de ces oiseaux qui crient :
Fay-moy du bien et j’en diray de toy ;
Tous gueux qu’ils sont, ils ont un cœur de roy :
Ils dancent droit, ils chantent sans se feindre ;
Le penser mesme ils se meslent de peindre ;
Ils font briller la rime et la raison ;
La flatterie est un lasche poison
Que leurs papiers ne souffrent ny ne baillent ;
Ils sont hardis, ils gourmandent, ils raillent,
Mais noblement et tousjours à propos,
Et quelquefois ils discourent des pots.
Tantost enflez des sciences infuses,
Ils vont si haut sur le Bayard des muses,
Que ce destrier, leur bon et cher amy,
Paroist sous eux moindre qu’une fourmy.
Tantost plus pronts que le vent sur la vague,
Aux yeux des sœurs courans sur luy la bague,
Ils font merveille, et par cent beaux dedans
Frustrent l’espoir aux autres pretendans :
Tantost en lice, et contre Apollon mesme,
Qui fait par fois, pour le prix du poëme,
Mettre la selle à quelqu’un des chevaux
Dont il se sert au char de ses travaux,
Ces paladins osent baisser sa lance,
Font chanceler sa roide corpulence ;
Et d’autres jours, à l’honneur du pasquin,
Deffiants Môme, ils rompent au facquin[1] ;
Tantost leur bouche annonce des oracles,

  1. Cette phrase métaphorique fait allusion à un exercice de