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Enfin mon œil en descouvre la cause ;
Je suis au but, j’ay la clef du secret,
Et vay l’ouvrir avec un tel regret
Qu’entre les dents j’en dy ma patenostre ;
Une Moitié t’a fait oublier l’autre :
J’ay tout compris : c’est, c’est ce bel hymen,
Pour qui ma bouche oncques n’a dit amen ;
C’est ce beau nœu, c’est ce bel androgine
Qui de mon mal est la seule origine.
L’amour du corps vainq l’amour de l’esprit,
Et l’on me rend ainsi que l’on me prit.
Non pas ainsi, non pas, de par le diable !
Dix ans de plus me font moins agreable ;
Mais scais-tu bien si je me reprendray,
Et si de moy moy-mesme je voudray ?
Crois-tu, cruel, que de nos deux genies,
Dont on voyoit les volontez unies,
Et dont chacun prisoit l’affection,
J’aille signer la separation ?
L’esperes-tu ? penses-tu que par force
Ma loyauté consente à ce divorce ?
Tu pers ton temps : non, je n’en feray rien,
Et malgré toy je seray tousjours tien.
Tu me diras que pour reluire au monde
Il te falloit une moitié feconde,
Qui t’enrichist d’enfans et doux et beaux
Plus que le ciel n’est riche de flambeaux.
Le vain pretexte ! ô qu’il est puerile !
Viens ça, perfide ! et moy, suis-je sterile ?
Et mon esprit ne t’en produit-il pas
Qui sont pourveus de graces et d’appas ?
Dès qu’ils sont nez, ils causent, ils se jouent ;
Ils vont tous seuls, ils censurent, ils louent,
Il ne leur faut nourrice ny valet,
Il ne leur faut ny fraize ny colet ;