Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Où ta raison fait la nique à la cour,
Où la trompette et le bruit du tambour,
Qui t’ont jadis enchanté les oreilles,
Sont postposez aux douceurs nompareilles
Des rossignols, du murmure des eaux
Et des zephirs qui flattent les roseaux ;
Bref, où, content de ton bonheur extresme,
Tu fais ton sort, tu jouys de toy-mesme,
Et peux par là dire que tu jouys
D’un bien qui vaut cent caques de louys.
Ouy, tu les vaux, et c’est ce qui me greve,
C’est ce qui fait que de despit je creve,
De perdre un cœur des Graces advoué,
Et je ne l’ay ny trahy ny joué.
Plustost mourir, tous les dieux j’en atteste ;
Plustost me vienne et le cancre et la peste,
Que, d’un venin emprunte des serpens,
On vist ma langue agir à tes-despens ;
Car, ô Baron ! bienque je puisse dire
Qu’onc ce ne fut (encore faut-il rire)
Pour tes beaux yeux que ma raison t’aima,
Pour ton beau nez que mon cœur s’enflama,
Non plus que toy pour ma grosse bedaine,
Ou pour ma trongne ample, bachique et saine,
Si m’a-t’on veu te depeindre tousjours
Comme un objet digne de mes amours.
Je t’ay fait grand, j’ay relevé ta mine,
J’ay dit qu’en foy ton ame est une hermine,
J’ay celehré tes gentilles humeurs,
Ton bel esprit, ton courage, tes mœurs,
Et n’ay menty qu’en parlant de ta taille ;
Le reste est vray : je donneroy bataille
À coups de poing, voire à coups de canon,
Contre l’enfer, s’il me disoit que non.
Mais revenons à ta metamorphose.