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Aux traits aigus, traits empennez de blame,
Qui de ta langue entreront dans mon ame,
À mesme temps que d’un charme vainqueur
Un doux traict d’œil entrera dans mon cœur ;
Un doux trait d’œil ! mais, pour me mettre en poudre,
Peut-estre, helas ! sera-ce un trait de foudre
Que le desdain et le ressentiment
Dessus mon chef lanceront justement.
Aussi bien suis-je un ingrat, je l’advoue,
Un paresseux, digne qu’on me rabroue ;
Qu’on me condamne, à peine du bouleau,
À ne trinquer de six mois que de l’eau,
D’avoir esté presque une année entiere
En mon logis comme en un cimetiere,
Sans avoir fait chez elles un seul jour
Pour leur chanter ou bonsoir ou bonjour.
Mais, quant à toy, je ne sçaurois comprendre
Qui t’a fasché, quel sujet t’a pu rendre
Si mol, si dur, lequel il te plaira,
Envers celuy qui t’ayme et t’aymera.
Tiendrois-tu point la raison offensée
De ce qu’un homme, aveugle en sa pensée,
N’a pu prevoir, comme auroit fait un dieu,
À point nommé ta venue en ce lieu ?
Si c’est cela, ma faute je confesse,
De deviner je n’eus jamais l’adresse ;
Je suis vaincu, j’ay tort d’estre un mortel ;
Mais quel remede ? un pere m’a fait tel.
Il est bien vray que, si quelque bon ange
M’eust adverty par un moyen estrange
Que tu devois arriver chés Monglas[1],

  1. M. Monglas, ancien hôte de Saint-Amant. Il mourut vers le 22 décembre 1661, et Saint-Amant mourut dans sa maison le 29 décembre de cette année. (Voy. la Notice.)