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un faiseur de panegyriques et que mon talent s’estendist aussi bien sur la prose que peut-estre il se peut vanter par dessus le commun de s’estendre sur les vers, je lascherois, Monseigneur, de réparer en ce lieu l’injurieux silence de mes muses ; et quand toutes les regles des epistres liminaires s’en devraient plaindre, je vous eu ferois icy une dont le volume serait de beaucoup plus gros que celuy mesme que je vous dédie. La France[1], l’Alsace[2], la Flandre[3], la Lorraine, l’Italie[4] et le Roussillon[5], où vos vertus héroïques ont éclaté avec tant de succès glorieux, et pour le bien de cet Estat et pour l’honneur propre de cette grande et illustre maison dont vous estes descendu, et dans laquelle tous pouvez conter entre vos ayeux des roys d’Arragon et des comtes de Thoulouze[6], y fourniroient de superbe théâtre à vostre valeur. Je ferois voir que la pluspart de tous ceux qui commandent aujourd’huy dans nos armées vous ont obey, et tiennent encore à gloire d’avoir esté les apprentifs d’un si digne maistre. Je dirois que le retardement dont on a usé jusques icy à vous conférer le grade militaire[7] qui vous est dû est plustost une judicieuse considération que l’on fait de son peu de prix à l’esgard de vos services qu’on refus ingrat aux mérites de vostre personne. Je m’y estendrois sur vostre fameux voyage de Malte[8], et, sans mettre en jeu ny les exagérations, ny les hyperboles, je monstrerois que le seul bruit de vostre nom et la seule crainte qu’eut le

  1. Au combat de Pelissant, il reçut neuf blessures, leva en 1611 un régiment d’infanterie, et se distingua en 1622 au siége de Montauban. Il fut fait maréchal de camp au siége de Tonneins.
  2. Gouverneur de Nanci et de la Lorraine, il prit Lunéville au fort de l’hiver.
  3. Il contribua à une défaite des Espagnols à Saint-Omer.
  4. Il se distingua à Casal, dans le Montferrat et dans le Piémont.
  5. Il y prit Elne et Salce, et protégea notre armée occupée au siége de Perpignan.
  6. V. note 1, l’explication des armes du comtes.
  7. Le comte d’Arpajon, déjà lieutenant-general, ne pouvoit prétendre alors qu’à la dignité de maréchal de France : il ne l’obtint jamais ; seulement, en 1651, deux ans après cette épître, il fut nommé duc et pair. « M. d’Arpajon mouroit d’envie d’être maréchal de France, et pesta fort quand Gassion le fut. » — V. Tallemant, IV, 186.
  8. En 1645, il partit volontairement pour défendre Malte, attaquée