Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Courront fortune et se verront de loin
Si le denier me manque en ce besoin.
De peu de chose aussi bien ils me servent,
Et si mes soins en coffre les conservent
C’est seulement pour plaire à ton desir,
Quand de les voir tu prendras le loisir,
Les entendus n’en font pas peu de conte ;
Ils disent tous qu’enfin c’est une honte
Qu’un tel ouvrage, après un si grand bruit,
Au gros autheur ne rapporte aucun fruit,
Et dès qu’un autre un benefice attrappe,
Pour moy soudain leur despit gronde et jappe,
Leur front s’allume, et qui les en croiroit,
Bien-tost la crosse à mon poin s’offriroit[1].
Je ne dis pas que ma main le merite.
Quoy que par elle ait esté l’œuvre escritte,
Et qu’un vers saint semblerait inferer
Qu’au bien d’eglise on eust droict d’aspirer ;
Mais, ô bon Dieu ! combien en voit-on d’autres
Pourveus de mitre et d’amples patenostres,
Vivre entre nous avec auctorité
Qui l’ont peut-estre aussi peu merité !
À tout le moins chacun dit à ma mine
Qu’un long habit de serge ou d’estamine
Ne sierroit point tant mal dessus mon corps.
Soit faux, soit vray, je suis de tous accors.
Au reste, Prince à qui l’honneur commande,
Ce que j’en dy n’est pas que je caymande :
J’ay trop de cœur, je ne gueuzay jamais,
Et m’en rapporte au grand prelat de Mets[2].

  1. Saint-Amant, dit Tallem. des Réaux, « a prétendu pour son Moïse une abbaye et même un évêché, lui qui n’entendroit pas son breviaire. »
  2. Saint-Amant, dit encore Tallem. des Réaux, « s’attacha à