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Et mon caprice un peu trop glorieux
Trenche du docte et fait le serieux ?
Achevons donc cette epistre fantasque,
Il en est temps, puisque sans pot ni casque.
Mon œil te voit, au moins l’œil du penser,
Dans Luxembourg un chacun caresser.
Que de plaisirs le soir de ta venue !
Tout l’arsenac en pette et esternue[1],
Et le bourgeois, s’escrimant des ergots,
Enceint de chant les flames de fagots.
De tous costez les masses retentissant,
De tous costez les verres s’engloutissent ;
Gaston resonne, et ce nom entonné
Rend par son ton maint flacon estonné.
Laissons le vin ; dejà comme il me semble,
Au bord de l’eau tout le peuple s’assemble,
Pareil en nombre à ses grains areneux,
Pour voir monter cent dragons lumineux,
Qui, se crevans en paisibles estoiles,
De l’air serain dorent les sombres voiles,
Et test après tombent tranquillement
Sur le liquide ou le sec element,
Ou quelquefois fout leur chutte embrasée
Au beau milieu de la tourbe amusée,
Dont maint badin, qui craint pourtant sa peau,
Rit d’en voir une empaumer un chapeau.
Dans les transports de tant de testes yvres
Je feray tout, je brusleray mes livres,
Ou mes cottrets, pleins d’une gaye ardeur,
Feront en rue esclater ta grandeur !
Et les cayers de mon Moyse mesme,
Qui d’Apollon briguent le diadesme,

  1. De semblables hiatus sont extrêmement rares dans Saint-Amant, dont la versification est toujours si soignée.