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Nostre Pont-Neuf, qui pourtant a de l’age,
Et sous qui gronde, au detriment du Tage,
La riche Seine, agreable en son cours,
De tes vertus s’entretient tous les jours ;
Là, son aveugle, à gueule ouverte et torse,
À voix hautaine et de toute sa force,
Se gorgiase à dire des chansons
Où ton bon-heur trotte en mille façons ;
Là, sa moitié, qui n’est pas mieux pourveue
D’habits, d’attraits, de grace ny de veue,
Le secondant, plantée auprès de luy,
Verse au badaut de la joie à plein muy ;
Bref, ce beau couple, en rimant saincte Barbe,
Dit que dans peu tu prendras à la barbe
De l’Espagnol et du brave Sienois
Ce qui t’oblige à porter le harnois.
Le grand portrait de ton auguste pere,
Sçachant par là comme tout te prospere,
Et que son fils est son imitateur,
N’est point lassé d’estre leur auditeur ;
Ains au contraire, à ce qu’on en raconte,
Souventesfois Sa Majesté de fonte[1]
S’en emeut d’aise, en sousrit doucement,
Et semble dire en ce ravissement :

« Voylà, gaston, voylà, ma geniture,
Le noble estat, la superbe posture
Où de long-temps je desirois te voir.
Ce que tu fais s’accorde à ton devoir,
Et bien qu’un sort, bien qu’une noire envie
Ait presque esteint la splendeur de ta vie,
J’ay tousjours creu que tu luirois un jour
Comme un flambeau digne de mon amour.

  1. Le roi de bronze Henri iv.