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Qui de la France ait gouverné la barque,
Pour luire au monde et se rendre fameux,
Est obligé de chamailler comme eux.
Ensuy-les donc, frotte nos adversaires ;
Ruïne-moy ce grand nid de corsaires,
Ce vain Donquerque, et ne t’arreste pas
Aux simples mets de cet autre repas :
Car ayant pris Gravelines la belle,
Qu’on vante tant et qui fait la rebelle,
Il ne peut estre à ton auguste faim
Qu’un desjeuner de raves et de pain.
Desjà je voy cette ville rendue,
Desjà je tiens la Flandre pour perdue ;
Et les Melos, les Picolominis,
Disent desjà : Ha ! nous voilà honnis !
Tout l’univers ne parle d’autre chose
Que des exploits où ton bras se dispose.
Tes soins, ton cœur, ta generosité,
Ta table, où luit la somptuosité,
Table splendide à tout venant ouverte,
Ton ordre exact, ton œil tousjours alerte,
Ta diligence aux desseins courageux,
À se saisir d’un poste avantageux,
À prendre un fort, à construire une ligne,
À faire tant que pas un ne rechigne
Quand on dit marche, ou qu’il est question
De se loger au haut d’un bastion ;
Tes mœurs enfin, tes fatigues, tes veilles,
Ton doux accueil, et mille autres merveilles
Qu’on sçait de toy, font icy tant de bruit,
Que quand desjà, dans la plus calme nuit,
Tous les canons que l’arsenac t’appreste
Celebreroient ta divine conqueste,
Et de trois pas nous viendroient esblouir,
Au diable l’un qui les pourroit ouir !