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Tant il s’en veut, et tant l’homme, en un mot,
À son dam propre est un habile sot !
Faloit-il donc qu’un monstre[1] en sa celulle
Nous preparast une telle pilulle !
Ô ciel ! ô dieux ! ne suffisait-il pas
Qu’on eust ouvert le chemin du trespas
Avec l’acier qu’en lames on alonge,
Qu’au sang humain la mort abbreuve et plonge !
Encore un coup, n’estoit-ce pas assez
Que la fureur des hommes insensez
S’armast d’un fer dont par un soin barbare
Nostre coste s’enrichit et se pare,
Sans qu’un demon nous vint à mettre en jeu
L’effet cruel de ces tuyaux à feu !
Par ces outils il n’est point de campagne
Qu’en estrillant ou l’Empire ou I’Espagne,
Quelque heros, quelque preux resolu
N’ait quelque tappe ou ne nous soit tollu[2].
Nous pourrions bien t’en nommer plus de quatre
Que le destin eut très-grand tort d’abatre,
Si dans ces vers il nous estoit permis
D’employer l’encre à pleurer nos amis.
Or, après tout, quelque danger extresme
Que je me forme en ta personne mesme,
Quelque hazard que tu puisses courir
Autour des murs que tu dois conquerir,
Prince, une gloire en beauté sans pareille,
Un vent d’honneur me sifflant à l’oreille,
Flatte ma crainte, et me dit toutesfois
Qu’un heritier du grand Gaston de Fois,
Qu’un digne fils du plus noble monarque

  1. Le moine Schwartz ou Le Noir, à qui la tradition attribue l’invention de la poudre.
  2. Enlevé. — Du latin tollere.