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Les derniers cours de sa dure leçon.
On se rossoit, mais sans trop de façon ;
L’art de tuer estoit bien plus commode :
Chaque mutin en usoit à sa mode,
Et la fureur, qui fait arme de tout,
Prenant tantost des pieux bruslez au bout,
Tantost des fleaux[1], des pierres ou des haches,
Tantost des plats en guise de rondaches,
Selon l’urgence ou le point debatu,
Mettoit au jour sa guerriere vertu.
Mais aujourd’hui la finesse homicide
Fait qu’un pagnotte ose attendre un Alcide,
Qu’il en triomphe, et, d’un rot de mousquet
Le terrassant, l’envoya au bourniquet.
Soit à jamais aux flames condamnée
L’inique main du second Salmonée,
Que l’Allemagne en nos siecles porta,
Et dont l’orgueil le tonnerre imita
Bien mieux que l’autre avec sa poix raisine,
Avec le bruit d’une horrible machine,
D’un char de bronze à deux fois deux chevaux,
Où, se flottant d’inutiles travaux,
Il pretendoit en sa folle arrogance,
En son impie et vaine extravagance,
Jetter ainsi de la poussiere aux yeux
À l’immortel qui tonne dans les cieux.
Ô ! que le monde est une estrange beste !
Que d’arts maudits il tire de sa teste,
Et qu’à son gré le sage en parle bien !
Pour faire l’homme on ne sçait qu’un moyen,
Et l’on en sçait mille pour le defaire,
Tant l’homme mesme est à l’homme contraire,

  1. Regnier a fait aussi le mot fléau monosyllabe. En Anjou, on a conservé cette prononciation.