Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Où le faux Grec prit le Troyen au piege ;
Quand a mes yeux Tyr vient à repaser,
Où tant d’engins l’assaillant fit dresser ;
Quand Alexie[1] on me rameine en livre,
Et tant d’exploits que la plume a fait vivre,
Il m’est advis qu’au prix de nos combats
Je ne voy rien que joustes et qu’esbats,
Que jeux d’enfans, chocqs de marionnettes
Qui chantent clair leurs petites somettes ;
Que l’on me berse, ou qu’après maint rebus
On m’estourdit d’un conte de bibus.
Tous ces beliers, ces bruyans catapultes,
Dont les creneaux redoutoient les insultes.
N’estoient que fleurs mis en comparaison
Des fruits mortels de cette aspre saison.
Les abricots, les grenades, les prunes,
Que maintenant autour des demy-lunes
On sert à Mars, sur sa table de fer,
En des bassins apportez de l’enfer,
Sont bien d’un goust plus friand à la Parque
Que les morceaux qu’un Vegece remarque
Dans les banquets dont on la regalloit
Lors que la fleche ou le caillou voloit.
En ce temps-là, ces braves que je choque
Estoient un siecle à prendre une bicoque :
Car, en effet, quoy qu’Homere en ait dit,
Ce mur sacré que Priam deffendit,
Cet Ilion, ce grand sujet d’histoire,
Qui par le feu vit esteindre sa gloire,
Onc ne fut digne en son haut appareil
De dechausser le chasteau de Corbeil.
En ce temps-là, dame Mathematique
N’avoit point mis dans le monde en pratique

  1. Le fameux siège d’Alesia, sous César.