Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/407

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Avoit redit des mots assez puissans
Pour te sauver des boulets mugissans ;
Si par sa main ton corps à toute espreuve
Avoit esté plongé dans quelque fleuve
Qui l’eust pu rendre invulnerable aux coups,
Que mon sommeil en seroit bien plus doux !
Mais la terreur de quelque aigre nouvelle
Tousjours m’agite et me tient en cervelle,
Et la Gazette, aux ailes de papier,
Jamais ne vole autour de mon clapier,
Qu’en la voyant je ne me la figure
Un triste oiseau de mal-heureuse augure,
Qu’un chant fatal je ne craigne d’ouir,
Et ne me trouble au lieu de m’esjouir.
Vrayement, Achille et toute la cohorte
Des vieux guerriers fabriquez de la sorte
Bien à leur aise entroient dans les estours,
Ou d’une place alloient morguer les tours ;
Vrayment Cesar, Alexandre et Pompée,
Qui se faisoient tout blanc de leur espée
Dans les assauts, pour un rempart esmus,
En ce temps-cy se verroient bien camus.
Je voudrois bien que devant Gravelines,
Avec leurs traits, leur dars, leurs javelines,
Ces beaux messieurs, en leur peau retournez,
Comme nos preux vinssent montrer le nez.
Que diroient-ils en oyant cette foudre,
De qui l’effort met les villes en poudre ?
Sauf ton respect, GASTON, je ne croy pas
Que leur valeur, branchant à chaque pas,
N’en fist glisser quelque secrete haleine
Qui d’un vil trou jaunist l’obscure laine,
Ou que du moins un pasle estonnement
Dessus leur front n’apparust laschement.
Quand je relis ce long et fameux siege