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Pour recevoir mon illustre embonpoint ;
Son gras honneur n’en veut ny peu ny point.
Armes à part, je crains la salve en diable ;
Quelque estourdy, cuidant m’estre agreable,
Pourroit d’un coup me noircir le museau,
Ou de ma vie achever le fuseau,
Et puis après croiroit en estre quitte
Pour s’escrier d’une voix interdite :
Perdon, quauqu’autre a cargat lou mousquet[1] ;
Et cependant j’aurois eu mon paquet.
Fay mieux, Baron, fay que de ta cuisine
La batterie effrayant la lesine,
Sorte en parade au devant du bon Gros ;
Fay qu’un chacun se saisisse de bros,
De poislons clairs, de lechefrites noires,
De pots, de grils, de broches, de lardoires,
Et d’instrumens qui sur un air connu
Chantant tout doux : Tu sois le bien venu !
Ordonne encor, pour accomplir la feste,
Que ton Champagne un tel morceau m’apreste
Qu’estoit celui dont avecques splendeur,
Ma muse a peint et le goust et l’odeur,
Et sur lequel, sous le tan qui la pique,
Elle a pensé faire un poeme epique,
Car, en sa fougue, et qui la pousseroit,
Sur un ciron un livre elle feroit.
C’est trop ; adieu, je te baise les pattes
Dont, plein de soins, bien souvent tu te grattes,
Depuis le jour qu’embrené d’Espagnols,
Mis dans ta cage ainsi que rossignols,
Tu fais le guet et voy ta bource en peine
De leur fournir, non d’eau pure ou de greine,
Mais du meilleur que Bacchus et Cérès

  1. Pardon, quelqu’autre a chargé le mousquet.