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Avoir esté la terreur de ses bois,
Avoir reduit tous ses chiens aux abbois,
Nargué les traits des nimphes ses compagnes,
Couru les monts, arpenté les campagnes,
Et fait fuïr des sauvages destours
Les leopars, les tigres et les ours,
Bref, que le coup d’une balle ramée
Parmy le feu, le bruit et la fumée
Portant la mort, put seul en trahison
Après vingt ans ranger à la raison.
Ces vieux rochers, ces naturelles bornes
Qui jusqu’au ciel osant lever les cornes,
Serveut d’obstacle aux desseins trop hardis,
Me plegeront des choses que je dis.
Ouy ces hauts rocs, ces barres des offences,
L’ont veu cent fois esmoudre ses deffences
Contre leur flanc difficile à gruger,
Pour faire teste au lion estranger,
Et, d’une hure horrible et furieuse,
Faisant paslir sa trongne imperieuse,
Le mettre au poinct de crier, non debout :
Brave Gascon, je me rends, dague et tout.

Ainsi finit sa jactance gaillarde
Le bon muet à l’humeur babillarde ;
Ainsy, Melay, fus-je sans voix requis
De celebrer un morceau tant exquis ;
Mais, cher Baron, pour toute sa harangue
Qu’en un palais on ouyt de la langue
Et que le goust fit comme un president,
Nul n’en perdit le moindre coup de dent.
Ton grand cousin, le genereux Brionne,
Qui de vertu s’arme et se gabionne
Pour soustenir les frasques du malheur,
En cet assaut exhiba sa valeur.