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Te fait pester, brouille ton jugement,
Et sans mercy t’enfile nettement.
Si tost, enfin, que son eschine large
Eut jetté là sa monstrueuse charge,
Qui de son poids estonnant le plancher
Fit plus de bruit qu’un flot contre un rocher,
Ou qu’une horrible et foudroyante bombe
Quand sur un toit il avient qu’elle tombe ;
Si tost qu’il eut, s’essuyant d’une main,
Harpé de l’autre, avec un ris humain,
La piece blanche, en nouvelle monnoye,
Dont mon gousset voulut faire sa joye,
Je me levay, fis trembler tout le lieu,
Et m’habillant receus son bel : Atieu.
Or, cher Melay, voy comme la fortune,
Que de mes vœux gueres je n’importune,
Toute bizarre et farouche qu’elle est,
À m’obliger par fois songe et se plaist ;
Voy comme au monde où cette aveugle roule,
Par fois les biens nous arrivent en foule,
Et comme l’heur les voulant departir
Parfois encor tasche à les assortir :
Mon drosle à peine estoit hors de ma chambre,
À peine avois-je admiré ce grand membre,
Ce mont de chair, ce prodige de lard,
À qui la suye avoit servi de fard,
Qu’un crocheteur courbé sous vingt bouteilles,
Grosses du jus des plus exquises treilles
Dont la Cioutat porte sa gloire aux cieux,
Avec ahan[1] vint s’offrir à mes yeux,
Et qu’un laquais, d’une belle entre-suite,

  1. En haletant. Le seizième siècle avoit le verbe ahanner. Voy. Joachim du Bellay, D’un vanneur de blé, aux Vents :

    Ce pendant que j’ahanne

    .