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Le Rhin, le Necar et la Lippe ;
Que le lis morgue la tulippe[1],
J’en siffleray la gloire aux cieux,
Pourveu que je trempe ma lippe
Dans ce jus qui rit à mes yeux.

Que le barreau reçoive ou non[2]
Les reigles de l’Academie ;
Que, sur un verbe ou sur un nom,
Elle jaze une heure et demie ;
Qu’on berne adonc, car et m’amie,
Nul ne s’en doit estomaquer,
Pourveu qu’on sauve d’infamie
Crevaille, piot et chinquer.

  1. Le Lis de France, la Tulipe de Hollande.
  2. Saint-Amant, élu parmi les premiers membres de l’Académie, s’occupoit assez peu des travaux de la société. Pour se dispenser du discours que devoit chaque académicien, il avoit promis de recueillir tous les mots grotesques, comme on disoit alors, ou burlesques, comme on dit depuis. Ainsi essayoit-il de sauver d’infamie crevaille, piot et chinquer. Comme l’Académie devoit s’occuper de faire un dictionnaire, elle avoit souvent de ces sortes de discussions, qui retardoient l’achèvement de l’œuvre et faisoient dire à Bois-Robert :

    Et le destin m’auroit fort obligé
    S’il m’avait dit : Tu vivras jusqu’au G.

    Les mots anciens, si ardemment défendus par Mlle de Gournay, tels que adonc, pource que, d’autant, etc., sembloient devoir attirer les foudres de l’Académie ; et, en effet, Gomberville le puriste prétendoit n’avoir jamais employé car. On accusoit la docte compagnie de les proscrire. Mais Pellisson affirme qu’elle ne craignoit pas de les employer, et cite des exemples tirés du Jugement de l’Académie sur le Cid. Les académiciens en particulier étoient plus sévères que réunis en corps. Il faut lire, à ce sujet, de curieux passages de la Requête des dictionnaires de Ménage, et, dans Saint-Evremont, la comédie des Académistes, que l’on a attribuée même à saint-Amant.