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Ces petits messieurs-là ne grimpent point icy.
Ils ne sont point piquez d’un si noble soucy.
Et quand ils le voudroient, en leur folie extresme,
Plustost ce double mont, s’arrachant de soy-mesme,
Trebucheroit sur eux, et, tombé plat et net,
Feroit à leur caboche un horrible bonnet.
D’où luy peut donc venir cet estrange caprice ?
Ha ! je le reconnoy, c’est manque d’exercice :
Il ne fend plus de l’air le vague précieux,
Et le trop de sejour l’a rendu vicieux ;
Ou bien, fasché de voir que ma verve sacrée
Ne se sert plus de luy quand elle se recrée,
Que je quitte Helicon pour Horeb et Sina,
Où la loy formidable aux Hebreux se donna ;
Que pour la vérité je laisse le mensonge,
Il me veut tesmoigner le despit qui le ronge,
Et me faire connestre en son frémissement
Les bizarres transports d’un vif ressentiment.
Tout beau, Genet[1], tout beau, r’enguaine ta furie ;
Si je t’ay négligé, si de la raillerie
J’ay depuis quelque temps mis en oubly les jeux,
Pour me sentir le chef pesant, froid et neigeux.
Je t’en requiers pardon, et la marote en teste
Je veux, comme l’on dit, remonter sur ma beste,
Dulotizer[2] en diable, et d’un ton libre et gay,
Tout cygne que je suis, faire le papegay[3].
Or sus donc, à cheval ! j’entens le bruit d’un verre
Qui, heurtant contre un pot, me r’anime à la guerre,
Non de la martiale, où le sang est versé,
Où pour l’amour d’autruy, de mille coups percé,

  1. Genet, cheval d’Espagne. Pégase.
  2. Voy. une note sur Dulot, ci-dessus, p. 323.
  3. Perroquet. — On disoit aussi papegault. On connoît la confrérie des papegaults.