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Sous cette nation haïe
Jette maint cry sourt et dolent,
Et la pauvrette est esbaïe
De voir nostre secours si lent.

Son cher amy Saint Honorat,
Triste et confus en fait de mesme,
Et sa joue en ce dueil extresme
Change en pâleur son nacarat ;
Il souspire, il pleure la perte
De sa haute couronne verte[1]
Que le noir autan reveroit,
Et que l’œil du bleu Melicerte
Depuis cent lustres admiroit.

Ô saint honneur des flots marins !
Ô belles isles soliteres,
Où vescut sous des loix austeres
L’Anachorete[2] de Lerins !
Encore un peu de patience ;
Certes, nous faisons conscience
De vous laisser patir ainsi,
Et des-jà par la prescience
Je vous voy franches de soucy.

Je voy desjà dessus vos bords,
Trempez de vagues espandues,
Des meschans qui vous ont tondues
Nostre foudre razer les forts ;
Et bien qu’une horrible tempeste,

  1. Couronne verte, pour ce bois couppé par les Espagnols dont j’ay parlé cy-devant. (S.-A.)
  2. L’anachorete, etc. : S. Honorat, et depuis S. Vincent, tous deux nommez de Lerins, du nom de l’isle, dans l’histoire de Provence. (S.-A.)