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fadezes, que la simple naïfveté soit le seul partage des pieces

comiques. Je veux bien qu’elle y soit, mais il faut qu’elle soit entremeslée de quelque chose de vif, de noble et de fort qui la relève. Il faut sçavoir mettre le sel, le poivre et l’ail à propos en cette sauce ; autrement, au lieu de chatouiller le goust et de faire epanouyr la ratte de bonne grace aux honnestes gens, on ne touchera ny on ne fera rire que les crocheteurs. Aussi les plus habiles de cette nation ont bien changé de sentiment depuis qu’ils ont veu la Secchia rapita du Tassone[1], ou l’heroïque brille de telle sorte, et est si admirablement confondu avec le bourlesque, qu’il y en a quelques uns qui, par un excez de louange, osent bien la comparer à la Divine Jerusalem du Tasse. Il est vray que ce genre d’escrire, composé de deux genies si differens, fait un effet merveilleux ; mais il n’appartient pas à toutes sortes de plumes de s’en mesler, et, si l’on n’est maistre absolu de la langue, si l’on n’en sçait toutes les galanteries, toutes les proprietez, toutes les finesses, voire mesme jusques

    et finissent par ceux-ci :

    Onde il suo sommo bene era il giacere
    Nudo, lungo, disteso, e il suo diletto
    En non far mai nulla è starsi in letto
    .

  1. Le Tassoni naquit à Florence le 28 septembre 1565. Lui et Francesco Bracciolini, et après eux Lippi, auteur du Malmantile ont porté à la perfection le poème, non plus burlesque, mais héroï-comique, dont Ant.-Franc. Grazzini avoit déjà donné quelques exemples au siècle précèdent. Il s’attacha, en 1597, au cardinal Colonna, qui le chargea de la gestion de sa fortune. Il fut peu après admis à l’Académie des humoristes (Accademia degli umoristi). Son esprit indépendant osa soutenir, un siècle et demi avant J.-J. Rousseau, la question des avantages ou plutôt des dangers de la littérature. (Voy. ses Pensieri diversi.) En 1613, il entra au service du duc de Savoie Charles-Emmanuel et du cardinal son neveu. Il le quitta en 1623, vécut libre pendant trois ans, écrivit alors un Compendio degli annali ecclesiastici de Baronius, puis s’attacha au cardinal Lodovisio, neveu de Grégoire XV, aux appointements annuels de 400 écus romains. Il mourut le 25 avril 1635. — Son principal titre de gloire est son poème du Seau enlevé. — Voy. Bita del Tassoni compilada da Robustiano Gironi.

    On voit dans la préface que nous annotons que Saint-Amant se pique d’avoir pris le premier en France la place occupée en Ilalie par le Tassoni.