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Sur tout quand ton gozier, humecté de la coupe,
Après mille bons mots que maint rot entre-coupe,
Se met à celebrer la divine liqueur
Qui, passant par chez luy pour visiter le cœur.
Le chatouille et l’invite à se montrer seul digne
De louer comme il faut ce pur sang de la vigne.
M… sans pareil, homme aux nigaux fatal,
Où diantre as-tu pesché ce bouquin[1] de Cantal,
Cet ambre d’Acheron, ce diapalma briffable,
Ce poison qu’en bonté l’on peut dire ineffable,
Ce repaire moisi de mittes et de vers,
Où dans cent trous gluans, bleus, rougeastres et vers
La pointe du couteau mille veines evente
Qu’au poids de celles d’or on devroit mettre en vente !
Ha ! qu’il me fait bon voir lors qu’en le furetant
J’en decouvre quelqu’une et le crie à l’instant !
Quelle faveur me cuit quand ma langue appastée
En enduit mon palais et s’en trouve infectée !
Non, jamais Mascarin, ce seringueur mortel,
De son deshabiller ne tira rien de tel,
Exhibast-il au jour, comme il me fit nagueres,
Entre cent mille outils inconnus et vulgueres,
Et parmy cent fatras de haillons, de filets,
De pippes à petun, de fusts de pistolets,
De savattes, d’appeaux, de tasses, de mitaines,
D’onguents à guerir tout jusqu’aux fievres quartaines,
D’outres au cuir velu, de peignes ebrechez,
De linge foupy[2], sale, et d’habits ecorchez ;
Du vieil oint[3] de blaireau pour faire de la soupe,

  1. Bouquin, vieux bouc. À cause de l’odeur.
  2. Délustré, chiffonné. — En Anjou, l’on dit encore faupi dans ce sens.
  3. Ce mot se trouve dans Richelet et Furetière sous la forme vieux-oint, graisse.