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Qui fournit la Parque de traits,
Je deplore sa fin estrange.
Et que le dueil en soit si beau,
Que de la Seine jusqu’au Gange
L’on puisse envier son tombeau.

Sus, venez donc en cette place,
Non les chiens vilains et hargneux,
Mais bien les gentils espagneux,
Plaindre l’honneur de vostre race ;
Venez pousser autour de moy
L’esclat d’un si funeste aboy.
Que l’impiteuse canicule,
Avec un long ressentiment,
Pour hurler comme vous, s’accule
Contre l’azur du firmament.

Qu’elle ne soit pas toute seule
À vous respondre en cet ennuy,
Mais qu’à mesme effet aujourd’duy
Cerbere ouvre sa triple gueule.
Las ! ce noir portier des enfers,
Au col chargé d’horribles fers,
A desjà veu là-bas son ombre,
Elle a desjà foulé le bord
Où vont, dans cet empire sombre,
Les chiens heureux après la mort.

Ô trop lamentable advanture !
À peine six fois le croissant
L’avoit esclairée en naissant,
Qu’elle a trouvé sa sepulture :
Ses yeux si gays et si jolys,
Son corps qui faisoit honte aux lys,
Ses longues oreilles tannées,
Et la beauté de son maintien,