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Ce vray demon de la satyre,
Né pour nostre commun martyre,
A dit de bouche ou par escrit
De ton corps et de ton esprit,
Tantost accomparant ta mine
À quelque vache qui rumine,
Tantost chantant qu’un siecle entier
À greslé dessus ton quartier ;
Tantost, t’appelant vieille chatte,
Poil de gorret, caboche platte,
Nez roupieux, œil esraillé,
Bec de pivert, teint escaillé,
Menton velu, cou de bellette,
Sein de drappeau, corps de squelette,
Bras d’ozier sec, main de guenon,
Jambe de grue et pié d’asnon ;
Tantost, disant que de Virgile
Tu honnis l’adorable stile,
Que son beau sens perverty as
Avec ton galimathias ;
Que tu apte n’es ny idoine
Qu’à servir de folle à la roine,
Et qu’en un estat bien reglé
Ton cher ponant seroit sanglé[1].
Recorde-toy, dis-je, ô ma rose !
Que, quoy qu’en creusse quelque chose,
Je t’ey obstant moult bien servy,
Et serviray, si plus je vy.
Je te le jure par ta garbe[2],
Parton bon demy-pié de barbe,

  1. Les huit vers qui précédent ne se trouvent pas dans l’édit. de 1649.
  2. De l’Espagn. garbo, air galant. Ce mot se prenoit pour visage au commencement du 17e siècle.