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refaisoient tel vers qui se présentoit à leur riante imagination ;

Et sembloit que la gloire, en ce gentil assaut,
Feust à qui parleroit non pas mieux, mais plus haut.

Je me permets de citer Regnier en parlant de Saint-Amant ; nul autre nom ne peut s’accoler mieux à celui du poète que nous examinons. Boileau disoit que Saint-Amant s’étoit formé du mauvais de Regnier, comme Benserade du mauvais de Voiture : opinion fausse qu’il seroit inutile de discuter.

En vérité, en lisant Saint-Amant on croit assister à la composition de ses œuvres ; il semble qu’on le provoque. Sa verve s’allume, et le voilà qui griffonne ses vers. Ses compagnons l’écoutent, mais sans cesser de biffer et sans respecter sa part. — Holà ! gourmands, attendez moi ! — On ne l’écoute pas ; il se presse un peu plus ; sa pièce s’achève ; il la termine volontiers par un cri de buveur : À boire ! À la fin de sa pièce du Fromage, par exemple, il dit :

Fromage, que tu vaux d’escus !
Je veux que ta seule mémoire
Me provoque à jamais à boire.

Ce dernier cri, il le jette à pleine voix ; le laquais accourt : — Verse, laquais ! Et ces mots qui échappent à sa bouche échappent à son crayon ; le papier les reçoit, l’impression les reproduit, et ils viennent jusqu’à nous comme une preuve et de la soif et de la négligence du bon gros Saint-Amant !

Une fois, il boit à la santé du comte d’Harcourt ; à la fin de sa pièce il crie Vivat ! et ce mot, qui glisse de sa langue à sa plume, nous le répétons après lui.

Il n’est pas étonnant que des vers ainsi composés aient de la vie et du mouvement, qu’on y trouve des tours d’une grande énergie et d’une facilité extrême, que les transitions y soient si naturelles et si variées, la rime si nette.

Je voudrois que l’on comparât Saint-Amant aux autres