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Le Melon.

Qui jamais de son dos ne bouge,
L’affubloit, quoy qu’il fust hyver,
Et qu’il fust rongé de maint ver.
Une estroitte jartiere grise,
Faite d’un vieux lambeau de frise,
En zodiaquant le gipon,
Servoit d’escharpe à mon fripon,
Et trainoit, comme à la charrue,
Pour soc un fleuret par la rue,
Dont il labouroit le pavé,
Lequel en estoit tout cavé.
Ses jambes, pour paistrir les crottes,
S’armoient à cru de vieilles bottes,
L’une en pescheur, d’un gros cuir noir,
La plus grande qui se pust voir,
L’autre d’un cuir blanc de Russie,
À genouilliere racourcie ;
L’une à pié-plat, à bout pointu,
Et l’autre à pont-levis tortu.
Un petit esperon d’Engliche,
À la garniture assez chiche,
Ergottoit son gauche talon ;
Quant au droit, le bon violon
N’y portoit rien qu’une ficelle
Pour en soustenir la semelle,
Qui, comme un fruict meur ou pourry,
Laissant l’arbre qui l’a nourry,
Par quelque soudaine tempeste,
À tous coups estoit toute preste
De quitter, en se remuant,
La plante de son pied puant.
En ce ridicule equipage,
Chargé de son petit bagage,
Tirant pays seul et dispos,
Il debagoula ces propos :