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Le Melon.

Parmy les pets-flambants que lasche la Sicile,
Ce beau fils qui se farde avecque du charbon,
Fit porter par Sterope un monstrueux jambon
Et six langues de bœuf qui, depuis mainte année
En grand pontificat ornoient sa cheminée,
Où tout expressément ce patron des cocus
Les avoit fait fumer pour donner à Baccus.
La garce qui nasquit de l’excrement de l’onde
Pour courir l’esguillette en tous les lieux du monde,
Venus, la bonne cagne aux paillards appetits,
Sçachant que ses pigeons avoient eu des petits,
En fit faire un pasté, que la grosse Eufrosine,
Qui se connoist des mieux à ruer en cuisine,
Elle-mesme apporta plein de culs d’artichaud,
Et de tout ce qui rend celuy de l’homme chaud.
Le boucq qui contraignit la nymphe des quenouilles
De se precipiter dans les bras des grenouilles
Pour sauver son honneur qu’il vouloit escroquer,
En l’ardeur dont Amour l’estoit venu picquer,
Pan, le roy des flusteurs, de qui dans l’Arcadie
Les troupeaux de brebis suivent la melodie,
Honora le festin d’un agneau bien lardé,
Que des pattes du loup son chien avoit gardé.
Et, bien que l’on eust creu qu’en cet acte rebelle,
La vieille au cul crotté, la terrestre Cybelle,
Des orgueilleux geans eust tenu le party,
Auquel en demeura pourtant le desmenty ;
Elle ne laissa pas, quittant Phlegre à main gauche,
Comme mere des dieux d’estre de la debauche,
Et de leur apporter, se traisnant au baston,
Des champignons nouveaux, cuits au jus de mouton.
Avecques de leurs sœurs, d’excellentes morilles,
Et des truffes encor, ses veritables filles,
Qu’un porc qu’on meine en lesse, eventant d’assez loin,