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Le Melon.

M’en confirme bien l’excellance !
Qui vit jamais un si beau teint !
D’un jaune sanguin il se peint ;
Il est massif jusques au centre,
Il a peu de grains dans le ventre,
Et ce peu-là, je pense encor
Que ce soient autant de grains d’or ;
Il est sec, son escorce est mince ;
Bref, c’est un vray manger de prince ;
Mais, bien que je ne le sois pas,
J’en feray pourtant un repas.
Ha ! soustenez-moy, je me pâme
Ce morceau me chatouille l’ame ;
Il rend une douce liqueur
Qui me va confire le cœur ;
Mon appetit se rassasie
De pure et nouvelle ambroisie,
Et mes sens, par le goust seduits,
Au nombre d’un sont tous reduits.
Non, le cocos, fruit delectable,
Qui luy tout seul fournit la table
De tous les mets que le desir
Puisse imaginer et choisir,
Ny les baisers d’une maistresse,
Quand elle-mesme nous caresse,
Ny ce qu’on tire des roseaux
Que Crète nourrit dans ses eaux,
Ny le cher abricot, que j’ayme,
Ny la fraise avecque la crème,
Ny la manne qui vient du ciel
Ny le pur aliment du miel,
Ny la poire de Tours sacrée,
Ny la verte figue sucrée,
Ny la prune au jus delicat,
Ny mesme le raisin muscat