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Non pas pour la frescheur de l’ombre
De ce bois venerable et sombre
Où les bergers les plus discrets
Chantent leurs amoureux secrets ;
Non pas pour ces larges campagnes
Où Cerès, avec ses compagnes,
Seme et recueille tant de blez,
Que tes greniers en sont comblez ;
Non pas pour ces grandes prairies
Que la saison qu’aux Canaries
Mes yeux ont veu regner jadis
Comme en un second paradis
En janvier mesme rend si vertes
Et de tant de troupeaux couvertes,
Qu’on n’y sçauroit lequel choisir,
Ou du profit, ou du plaisir ;
Non pas pour ces claires fontaines,
Qui, par des routes incertaines,
Se fuyant et se poursuivant
Sous l’ombrage frais et mouvant
De mille arbres qu’elles font croistre,
Et qu’en elles on voit paroistre,
Accordent au chant des oyseaux
Le doux murmure de leurs eaux ;
Non pas pour ces longues allées
Où de branches entremeslées
De lauriers, de charmes, de buis,
De cyprès, de fleurs et de fruits,
Se forment des murailles vives,
Qui, par leurs distances captives,
Font des chemins plus gracieux
Que n’est celuy qu’on voit aux cieux ;
Non pas pour ce divin parterre
Où le soing de nature enserre
Cent mille fleurs, qu’à voir briller