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cise ; mais à coup sur elle est antérieure à la pièce où Théophile, sorti de prison en 1624, sollicite son élargissement. Déjà alors ce poète reconnoît que « Saint-Amant sçait polir la ryme », éloge que lui donnèrent aussi tous ses contemporains.

Cette ode, quelque riche de rime qu’elle soit, et quoiqu’elle ait paru à Boileau le meilleur ouvrage de Saint-Amant, est loin d’être parfaite dans son ensemble : le vers est de huit syllabes, et le poète n’a pas su lui donner assez de noblesse ; les stances d’ailleurs se terminent rarement d’une manière heureuse. Les épithètes ici sont trop fréquentes et trop peu significatives : ce défaut lui est commun avec son siècle. C’est ce qui, joint à l’usage trop fréquent des conjonctions et des participes, en prose surtout, rend le style de cette époque si lent et si lourd.

Malgré ces défauts, qui semblent devoir étouffer toutes qualités, il y a dans ce petit poème de fort belles choses, et quelques détails respirent une observation vraie de la nature, aimée pour elle, et non décrite sur un calque emprunté aux Italiens.

Cette pièce, dès son apparition, obtint un immense succès, et mérita plusieurs fais, comme plus tard la Rome ridicule, les honneurs de l’imitation. Nous citerons comme fort belle l’ode d’Arnauld d’Andilly sur le même sujet. Sur le même sujet encore, avec le même nombre des stances de la pièce, des vers de la stance, des syllabes du vers, Vion Dalibray composa une Horreur du désert qu’il donne comme un hommage rendu à Saint-Amant. « La meilleure preuve, dit-Il, qu’on puisse donner de l’estime qu’on fait de quelqu’un, c’est de l’imiter ; et le plus grand témoignage de son esprit, c’est quand on n’en sçauroit approcher que de bien loin. Ainsy cet essay servira du moins à la louange de celuy des vers duquel j’ay suivy le subject et la forme, mais sans avoir pu exprimer la majesté de son langage, ni la force de ses pensées. » Théophile écrivit aussi une Ode sur la solitude. Elle est d’une foiblesse extrême, et, si on la compare à celle de Saint-Amant, on conçoit l’exagération de Faret, le fidèle ami, qui la vante dans sa plus