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ELEGIE À UNE DAME

Pour Mr L. C. D. H[1].


Beauté dont les appas triomphent de ma vie,
Gloire de mon tourment, admirable Sylvie,
Que dans la servitude où l’amour m’a reduit,
Benissant mes liens, j’adore jour et nuit ;
Et de qui l’œil vainqueur, cher astre de mon ame,
Me brûle en m’éclairant d’une si douce flame,
Qu’il ne m’est pas permis, sans commettre un forfait,
De me plaindre jamais du mal qu’elle me fait ;
Puis que dans le plaisir de vous voir pitoyable
À l’ennuy que j’endure, et qui m’est agreable,
Vous m’avez menacé d’un cruel chastiment,
Si je n’estois secret en mon ressentiment,
Je veux d’oresnavant obeïr et me taire,
Je veux me retirer dans un lieu solitaire,
Où le silence au moins avec discretion
Sçache le bon succez de mon affection :
Car, quelques loix d’honneur que l’on nous fasse entendre,
N’en desplaise au respect, je ne sçaurois comprendre
Que l’on ne soit ingrat et digne du trespas,
De recevoir du bien, et ne le dire pas.


  1. Le comte d’Harcourt, ami de Saint-Amant (voy. la notice) et de Faret, qui l’accompagnèrent dans son expédition des îles Saint-Honorat et Sainte-Marguerite, etc.