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Que depuis ce moment qu’un doux et long trepas
Me fut predestiné par vos divins appas.

La douleur qui me pousse à former cette plainte,
Qui, comme mon amour, est exemte de feinte,
Me vient d’avoir perdu le bon-heur de vous voir
Lors que mon bon destin m’en donnoit le pouvoir.
Ô cruelle avanture ! ô perte irreparable !
Ô regret eternel ! ô Damon miserable !
Falloit-il que le sort te vint offrir ce bien
Avec intention de ne t’en donner rien !
Ô rare et seul objet d’où ma peine procede,
Las ! regardez un peu comme tout me succede !
J’eusse esté rechercher cet honneur nompareil
Par un chemin plus long que celuy du soleil ;
J’eusse entrepris cent fois, d’un courage invincible,
De faire ce qu’un Dieu trouveroit impossible,
Pour vous voir à mon aise une fois seulement,
Et puis estre à jamais dedans l’aveuglement.
Et cependant mon heur et vostre destinée
Jusques dans ma maison vous avoient amenée ;
Mais le Ciel, envieux du bien que j’en eusse eu,
Voulut que le projet s’en fist à mon deceu.

Helas ! si vous sçaviez, ô l’astre des plus belles !
Avec quel sentiment j’entendis ces nouvelles,
Il ne me faudroit plus d’autre preuve d’amour
Pour vous rendre mes feux aussi clairs que le jour.
Je m’en courus soudain dans ces lieux solitaires
Baiser de vos beaux pas les sacrez caracteres,
Et murmurant dessus mille mots insensez,
De regret et de joye également poussez,
J’y fus un long espace attaché par la veue,
Le corps sans mouvement et l’ame toute emeue.
Tant qu’à la fin ma voix avec mille souspirs,
Donna ces vers en garde aux amoureux zephirs,

Ô terre ! à qui le ciel, plus qu’à moy favorable,