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Pour sortir de la vie et descendre aux enfers.
Le Louvre, dont l’éclat se fait si bien parestre[1],
N’est à mes yeux troublez qu’un chasteau de Bicestre ;
Le fleuve qui le borde est à moy l’Acheron,
J’y prend chaque batteau pour celuy de Caron,
Et, me croyant parfois n’estre plus rien qu’une ombre
Qui des esprits sans corps ait augmenté le nombre,
D’une voix langoureuse appellant ce nocher,
Je pense à tous moments qu’il me vienne chercher.
Si je prens quelque livre en mon inquietude,
Et tasche à dissiper cette morne habitude,
Marot, en ses rondeaux, epistres, virelais[2],

  1. L’éclat du Louvre, dont parle Saint-Amant, étoit loin d’atteindre le degré ou il a été porté depuis par Louis XIV. Le vieux Louvre, c’est-à-dire l’œuvre de P. Lescot, embellie par Jean Goujon, augmentée sous Louis Xlll d’un pavillon dû à J. Le Mercier, et ornée des caryatides de Sarazin, copie de celles qu’avait sculptées Jean Goujon, dans la salle des Cent-Suisses, n’avoit pas encore reçu les développements que donna à ce monument Perrault. On sait que les dessins de cet architecte furent préférés a ceux du cavalier Bernin, que Louis XIV avoit fait venir d’Italie, et qui reçut du roi, outre une gratification de 150,000 livres, une pension de 6,000 livres et 100 livres par chaque journée de séjour a Paris.
  2. S’il a été permis a Boileau de parler des triolets de Marot, qui n’en a jamais composé, on peut bien pardonner à Saint-Amant d’avoir prêté au même auteur des virelais, quoiqu’on n’en trouve aucun dans ses œuvres. P. Delaudun-Daigaliers, dans son chapitre Du lay et virelay, dit : « L’usage est si rare de ces deux sortes de poèmes, qu’il y a fort peu de personnes qui les cognoissent, et ne trouve pas qu’aucun des bons poètes s’y soit amusé. » Aussi le naïf auteur est-il obligé de citer pour exemple un virelay de lui-même. On sait que la Fronde remit en honneur, entre autres anciens genres, le triolet et le rondeau. L’Art poétique français du sieur de la Croix n’a pas oublie le virelai, et en cite un exemple moderne.