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Pour éviter la mort, il s’en va la chercher,
Troublé de desespoir, se precipite en l’onde,
Où la bonté du Ciel, bien plus qu’elle profonde.
Permet qu’un grand daufin le reçoive à l’instant,
Et que droit vers la terre il tire en le portant.
Quand je me represente une telle avanture,
Quoy que de tous costez il vist sa sepulture,
Je pense qu’il n’eut pas tant de peur de mourir,
Qu’il eut d’etonnement de se voir secourir.
Les dieux qui font dans l’eau leur mobile demeure,
L’y regardans tomber et considerans l’heure,
Creurent tous, ebahis par un commun abus,
Que Thetis recevoit en son lict deux Phebus.
Tel que marche en triomphe, apres mainte conqueste,
Quelque grand capitaine, un laurier sur la teste.
Monté haut sur son char, les trompettes devant,
Accompagné de peuple à longs cris le suivant ;
De toutes qualitez, de tout sexe et tout âge,
Qui, devanceant ses pas pour le voir davantage.
Saute à l’entour de luy d’aise tout transporté,
Admirant sa façon pleine de majesté,
Tel estoit Arion sur sa vivante barque,
Son luth entre ses bras, triomphant de la Parque,
Laissant derriere soy les vents les plus legers,
Et bravant la fortune au milieu des dangers.
Les Tritons, à l’envy, faisant bruire leurs trompes,
Comme devant Neptune en ses divines pompes,
D’un rang bien ordonné devant luy cheminoient.
Et de leurs tons aigus tous les cieux etonnoient
La deesse aux trois noms, l’inconstante Planette.
Sous un voile d’argent se montrant claire et nette,
Pour le favoriser fit de la nuit le jour,
Luy decouvrant à plein les terres d’alentour.
Tous les autres flambeaux de la voûte celeste
Laissant toute influence importune et funeste,