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Au fort d’un si cruel orage.
Profondes horreurs du trespas,
Gouffres beants, noirs precipices,
Si vous voulez m’estre propices,
Presentez-vous devant ses pas.

Quand j’aurois l’une de ces pommes
Dont Hippomene se servit,
Et par qui cet amant se vit
Le plus heureux de tous les hommes,
Celle à qui j’ay veu rejetter
L’empire entier de tout le monde
À sa simple figure ronde
Ne se voudroit pas arrester.

Elle est une roche en sa haine,
Et moy, qui suis un feu d’amour,
Je la suivray donc nuit et jour,
Et ma poursuite sera vaine !
Ô nature ! écoutez un peu
Ce qu’à bon droict je vous reproche !
Comment ! vous souffrez qu’une roche
Soit plus legere que du feu !

Vous endurez, à vostre honte,
Que l’on viole ainsi vos loix !
Cette roche entendra ma voix,
Et n’en fera donc point de conte !
Que mon jugement se confont !
S’il estoit vray qu’elle fust telle,
Pourquoy ne me repondroit-elle,
Comme toutes ces autres font ?

Ainsi, las de courir et vaincu de tristesse,
De voir que par sa dame il l’estoit en vistesse,
Le pauvre Lyrian s’abandonne aux regrets,
Lasche de sa vigueur les mouvemens secrets,
Renonce à la constance, et, dans son ame outrée