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Ce ne fut son desir d’aimer jusqu’au cercueil
L’objet qui luy faisoit un si mauvais accueil.
Mais ses intentions, si justement conceues,
Quoy qu’il peust alleguer, ne furent point receues.
Au contraire, on eust dit, à voir son fier maintien,
Qu’elle se deplaisoit en ce doux entretien,
Ce qu’elle confirma par une promte fuite,
De peur, comme je croy, qu’elle n’en fust seduite,
Tant il avoit de grace et d’eloquens appas,
À prouver qu’en l’aymant il ne l’offençoit pas.
ll essaya depuis, par mille bons offices,
N’espargnant aux destins ny vœux ny sacrifices,
À fleschir son humeur et luy faire sentir
Le profond mouvement de quelque repentir.
Ses douleurs, ses regrets, ses soupirs et ses larmes
Monstrans à tous propos leurs pitoyables charmes,
Y firent leur devoir et n’oublierent rien
Qui luy peust à la fin causer un si grand bien.
Cependant son amour trouva tout inutile,
Et mesme jusqu’aux vers dont l’admirable stile
Luy fit avoir le bruit d’immortel escrivain
Devant cette beauté se montrerent en vain.
Six ans estoient passez sans aucune esperance
De la pouvoir gaigner par la perseverance,
Quand il la rencontra comme elle alloit chasser
Un chevreuil que ses chiens venoient de relancer.
Quiconque a veu l’honneur des nymphes bocageres
Au milieu des genests, des houlx et des fougeres,
En queste d’un sanglier qu’avec ardeur et soing
Elle appelle au combat, l’arc et la flesche au poing,
Se peut imaginer l’aspect grave et celeste,
L’équipage, l’habit, la stature et le geste
De la belle Sylvie entrant dedans le bois
Pour atteindre la proye et la mettre aux abois.
Soudain que Lyrian, comblé d’inquietude,