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Pour empescher ses ravages,
Qui nous ont fait tant de mal,
Et délivrer nos rivages
D’un si funeste animal,
Soudain l’oracle on consulte,
On le prie en ce tumulte
De nous vouloir secourir ;
Mais sa fatale ordonnance
Trop dure à ma souvenance,
Ne parle que de mourir.

Il faut, dit-il, qu’on octroyé
Par un tribut annuel
Une noble fille en proya
À ce monstre si cruel.
Là ses mandements s’achèvent,
Là mille plaintes s’eslevent
Dont tout le temple fremit ;
L’idole sort de sa place,
D’effroy la lampe se glace,
Et l’autel mesme en gémit.

Enfin le sacré concierge
Commande qu’on jette au sort.
Pour connoistre quelle vierge
On doit livrer à la mort ;
Et moy, l’unique héritière
Presque de l’Afrique entière,
Ô lamentable destin !
Las ! je suis la malheureuse
Que cette loy rigoureuse
Prend pour son premier butin.

Comme sa bouche plaintive
Ce dernier mot prononçait,
On voit bien loin de la rive
Le monstre qui paroissoit.