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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

chambellan, une pension de 20 000 francs ; il avait même offert une autre pension à la nièce de Voltaire, madame Denis, si elle voulait venir en Prusse tenir la maison de son oncle comme elle la tenait à Paris.

« Enfin me voici, écrivait Voltaire avec enthousiasme au comte d’Argental, dans ce séjour autrefois sauvage (Postdam) et qui est aujourd’hui aussi embelli par les arts qu’ennobli par la gloire. Cent cinquante mille soldats victorieux, point de procureurs, opéra, comédie, philosophie, poésie, un héros philosophe et poète, grandeur et grâces, grenadiers et muses, trompettes et violons, repas de Platon, société et liberté ! »

L’ami de Frédéric menait auprès du roi une vie tranquille et conforme à ses goûts, dispensé de tout service et de toute étiquette, travaillant tout le jour, s’abstenant des dîners de la cour pour économiser un temps précieux, ne paraissant qu’à ces petits soupers qui se faisaient dans la fameuse salle de la Confidence et qui étaient comme les agapes de la philosophie. Jamais on n’avait vu un si tendre commerce entre un roi et un philosophe.

Pendant deux heures de la matinée, Voltaire restait auprès de Frédéric, dont il corrigeait les ouvrages, ne manquant point de louer vivement ce qu’il y rencontrait de bon, effaçant d’une main légère ce qui blessait la grammaire ou la rhétorique.

Cette fonction de correcteur royal était, à vrai dire, l’attache officielle de Voltaire. En l’appelant auprès de lui, Frédéric avait sans doute eu pour premier mobile la gloire de fixer à sa cour un génie célèbre dans toute l’Europe ; mais il n’avait pas été non plus insensible à l’idée de faire émonder sa prose et ses vers par le plus grand écrivain du siècle. Pour celui-ci, cet exercice pédagogique n’était pas une besogne de nature bien relevée. Il