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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

trique de Descartes ; nous admirions tous deux la proportion qu’il dit avoir trouvée entre le sinus de l’angle d’incidence et le sinus de réflexion ; mais en même temps nous étions étonnés qu’il dit que les angles ne sont pas proportionnels, quoique les sinus le soient. Je n’y entends rien ; je ne conçois pas que la mesure d’un angle soit proportionnelle et que l’angle ne le soit pas. Oserai-je vous supplier d’éclairer sur cela mon ignorance ? » Voltaire, comme on voit, ne savait pas alors ce que c’est qu’un sinus, puisqu’il regardait les sinus comme proportionnels aux angles. Mais c’est précisément à cette époque même (1736-1738) qu’il compléta son instruction géométrique et apprit ce qu’il avait besoin de savoir. Quant à madame du Châtelet, on éprouve quelque étonnement à voir qu’à ce moment, jouissant déjà d’une réputation de géomètre, elle ne fût pas en état de lever une pareille difficulté. Mais remarquons que ce n’est point elle qui consulte Pitot. On peut croire, je dirai même que cela est probable, que Voltaire fait ici quelque confusion et nous présente la marquise comme plus ignorante qu’elle n’était. En tout cas, on avouera qu’il y a une grande différence entre l’homme qui regarde ici les sinus comme proportionnels aux angles et celui que nous avons vu tout à l’heure discuter avec compétence les problèmes relatifs aux forces motrices.

Quoiqu’il en soit, Voltaire entre maintenant dans une période de réaction contre les entraînements de la physique. Il y apporte la vivacité et la passion qu’il met à toutes choses. Après avoir déployé tant d’ardeur à répandre les idées de Newton, il trouve tout à coup que Paris s’occupe trop d’un pareil sujet. Il écrit à M. d’Argental à la fin de 1741 : « La supériorité qu’une physique sèche et abstraite a usurpée sur les belles lettres commence à m’indigner. Nous avions, il y a cinquante