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CANDIDATURE ACADÉMIQUE.

prodigieux de choses pour lesquelles je n’avais aucun talent. J’ai trouvé que mes organes n’étaient pas disposés à aller bien loin dans les mathématiques. J’ai éprouvé que je n’avais nulle disposition pour la musique. Dieu a dit à chaque homme : tu pourras aller jusque-là et tu n’iras pas plus loin. Non omnia possumus omnes… Dieu a donné la voix aux rossignols et l’odorat aux chiens. »

Il est certain que Clairaut a émis une opinion tout à fait défavorable au sujet des aptitudes scientifiques de Voltaire. Clairaut avait le droit d’en parler, car il avait été le professeur assidu du cénacle de Cirey. Il prétend que, pendant cette période d’enseignement, il n’a jamais pu faire prendre à Voltaire l’habitude de se fier aux formules mathématiques et de s’abandonner au courant d’un calcul analytique. Voltaire voulait tout d’abord sauter à pieds joints jusqu’aux résultats ; il espérait supprimer par intuition toutes les difficultés intermédiaires, et il n’arrivait ainsi le plus souvent qu’à des conclusions fausses. Madame du Châtelet, au contraire, moins impatiente et moins légère, était réellement devenue entre les mains de Clairaut, et selon le témoignage de son maître, une mathématicienne de premier ordre.

Il faut d’ailleurs, si l’on cherche à se rendre compte de l’instruction réelle des hôtes de Cirey, distinguer les temps et les époques. On a signalé, dans un recueil de lettres inédites de Voltaire imprimées pour la première fois en 1856, une lettre adressée à Pitot de Launay, de l’Académie des sciences, et qui montre qu’à l’époque où elle fut écrite (1736) Voltaire n’était encore qu’un écolier médiocre en géométrie. « Il faut, monsieur, dit-il à son correspondant, que je vous importune sur une petite difficulté. Madame la marquise du Châtelet me faisait, il y a quelques jours, l’honneur de lire avec moi la Diop-