Page:Saigey - Les Sciences au XVIIIe siècle.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
CONTROVERSE SUR LA FORCE.

ce principe abstrait qu’ils appelaient la force ; en dehors de cette recherche, il n’y avait plus entre eux qu’un malentendu, une pure chicane de mots. Certains effets produits par un corps en mouvement dépendent de la simple vitesse et sont ainsi en rapport avec la quantité de mouvement. D’autres dépendent du carré de la vitesse ; de ce nombre est l’effet principal, celui qui a une importance tout à fait prépondérante, nous voulons dire le travail mécanique que produit le corps et qui peut se mesurer par l’élévation d’un poids.

À ce point de vue, les partisans de la force vive étaient dans le vrai, et l’avenir devait développer les conséquences de leur doctrine ; mais encore une fois il n’y avait rien que de chimérique dans la prétention qu’on élevait de part et d’autre d’atteindre le principe même du mouvement. Les faits allégués par les deux partis avaient les uns et les autres leur valeur ; il suffisait de ne pas les détourner de leur signification propre et de ne pas les rapporter à une cause d’ordre transcendant.

L’Académie fit un rapport au mois d’avril 1741 sur le mémoire de Voltaire. Elle était elle-même assez divisée sur la question de la force. Le secrétaire perpétuel, Dortous de Mairan, tenait pour l’opinion de Voltaire. Des deux commissaires chargés du rapport, l’un, Clairaut, était, comme nous avons vu, partisan de Leibniz ; l’autre, Pitot de Launay, était de l’avis contraire. Le rapport fut donc assez éclectique, et se garda bien de décider la question. On louait Voltaire d’avoir présenté d’une façon claire et abrégée toutes les raisons qui peuvent être données contre la force vive ; mais on le félicitait surtout d’avoir dit, en forme de conclusion, que « la véritable physique consiste à tenir registre des opérations de la nature avant de vouloir tout asservir à une loi générale. » En vain Voltaire insista pour obtenir une décision plus nette, « Je voulais un