Page:Saigey - Les Sciences au XVIIIe siècle.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

sur des faits ou faux ou incertains, et l’on n’échangeait en somme que de fort médiocres arguments.

Dans son Mémoire sur la mesure des forces motrices et sur leur nature, Voltaire examine le problème en algébriste expert. Nous avons dit déjà dans quel sens il se prononce sur la mesure de la force. Il le fait avec une certaine vivacité, car il avait pris cette question fort à cœur, et il n’épargnait pas les quolibets aux « forceviviers ».

En ce qui concerne la nature même de la force, il a çà et là des aperçus très-justes, et il semble près d’indiquer le nœud même de la difficulté en proposant de renoncer à la notion de force pour s’attacher uniquement aux phénomènes ; puis bientôt, entraîné par les idées courantes, il en revient à vouloir saisir la force dans son principe interne, et il fait alors de la métaphysique aussi stérile que celle des leibniziens.

Nous disons que Voltaire obéit à une heureuse inspiration quand il tend à rejeter l’idée même de force, et qu’il est fâcheux qu’il ne s’en tienne pas à ce bon mouvement. La notion de force est de celles, en effet, qui n’ont pas porté bonheur aux géomètres et qui ont beaucoup obscurci les origines de la mécanique ; il y aurait tout profit à la supprimer. Nous voyons les phénomènes et nous pouvons les mesurer ; quant aux causes de ces phénomènes, ce sont d’autres phénomènes. Qu’on donne à ces causes le nom de forces, il n’y a pas grand mal, si on le fait avec prudence et en sachant bien ce qu’on fait ; mais il faut craindre une certaine tendance qui nous porte à regarder les forces comme des êtres de raison, des manières d’entités distinctes des corps et capables de les animer.

Ainsi, pour ne parler que de la querelle qui nous occupe en ce moment, les deux partis s’efforçaient en vain d’atteindre