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CONTROVERSE SUR LA FORCE.

analytiques pour donner le détail des arguments qu’on présentait de part et d’autre ; nous pouvons du moins indiquer d’une façon sommaire, par un exemple familier, comment la question se posait.

On jette une balle en l’air en lui imprimant une certaine vitesse ; la balle monte à dix pieds, — parlons par pieds, puisque nous sommes en plein xviiie siècle. On jette de nouveau la balle en lui imprimant une vitesse double. À quelle hauteur montera-t-elle ? Ira-t-elle au double, à vingt pieds ? Non, elle montera quatre fois plus haut, elle atteindra quarante pieds. Les forceviviers — c’est Voltaire qui les appelle ainsi, — trouvaient là la confirmation de leur théorie. Pour une vitesse double, l’élévation de la balle, c’est-à-dire le travail produit par elle, est quadruple ; il est comme le carré de la vitesse.

Il semblait donc que la question fut tranchée ; mais les adversaires de Leibniz ne restaient pas sans réponse. La balle, disaient-ils, met dans le premier cas un certain temps pour s’élever à dix pieds. Combien de temps met-elle dans le second cas pour s’élever à quarante ? Elle met un temps double. Il y a donc deux temps pendant chacun desquels agit la vitesse double, et de là vient l’effet quadruple ; mais la vitesse n’agit que par sa première puissance et non par son carré.

La controverse ne finissait pas là : il restait à voir ce qui se passe dans chacun des deux temps et si le raisonnement qui précède n’a pas quelque vice rédhibitoire ; mais ce n’est point ici le lieu de pousser bien loin cet examen, il nous suffit d’avoir fait comprendre la nature du litige. D’ailleurs la discussion portait surtout sur des cas plus compliqués ; on argumentait sur ce qui se passe dans le choc des corps soit mous, soit élastiques ; comme on n’avait alors sur la théorie des chocs que des données fort incomplètes et même fort erronées, on raisonnait