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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

Non-seulement les Cassini contestaient cet aplatissement, mais ils prétendaient que la terre était un sphéroïde allongé dans le sens des pôles, et les faits semblaient leur donner raison. Dans un sphéroïde aplati la longueur des degrés va en augmentant à mesure qu’on avance de l’équateur vers les pôles[1]. On avait mesuré plusieurs arcs de méridien dans les premières années du siècle ; on avait fait notamment une mesure en France, entre les Pyrénées et Dunkerque, et l’on trouvait que les degrés étaient d’autant plus petits qu’on approchait plus du nord ; on en concluait naturellement qu’on avait affaire à un sphéroïde allongé. C’était là une circonstance d’un grand poids et qui tenait à elle seule en échec les partisans de Newton.

Cependant la mesure du méridien faite en France inspirait des doutes. En 1735, l’Académie des sciences organisa une grande expédition pour étudier cette question tant controversée. Bouguer et La Condamine partirent pour le Pérou. Clairaut et Maupertuis allèrent en Laponie, accompagnés de Lemonnier et de l’abbé Outhier comme assistants. En mesurant un arc près de l’équateur, un autre près du pôle, et comparant les résultats ainsi obtenus aux mesures exécutées en France, on devait avoir tous les éléments nécessaires pour trancher le litige.

  1. Pour mesurer un degré terrestre, on cherche deux points situés sur un même méridien, et dont les verticales fassent entre elles un angle d’un degré. Il est bien clair que, si le méridien était rigoureusement circulaire, toutes ces distances, c’est—à-dire tous les degrés seraient égaux, quelle que fût la latitude. Mais il n’en est plus de même si le méridien est elliptique. Près de l’équateur, c’est-à-dire près du grand axe de l’ellipse, la courbure est plus forte, les verticales de deux points voisins sont plus divergentes ; on rencontre donc, pour une moindre distance, deux points dont les verticales fassent entre elles un angle d’un degré. Cette distance s’allonge à mesure que l’on avance de l’équateur vers le pôle, parce que la courbure de l’ellipse va sans cesse en diminuant.