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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

d’Alembert, de Lagrange, de Laplace, et encore ne peut-on pas dire que tout soit fait à l’heure qu’il est.
Les Éléments de la philosophie de Newton furent imprimés en 1738, et il semblait, d’après l’analyse que nous venons d’en faire, qu’un pareil livre dût voir le jour sans difficulté. C’était ainsi que l’entendait Voltaire ; il écrivait à M. d’Argental : « C’est un ouvrage purement physique, où le plus imbécile fanatique et l’hypocrite le plus envenimé ne sauraient rien entendre et rien trouver à redire. » Cependant le chancelier Daguesseau refusa l’autorisation d’imprimer le livre, et Voltaire dut aller en Hollande pour en publier une édition.

Quel était le motif de la sévérité du chancelier ? Était-il offusqué des doctrines de Locke sur la matière pensante ? était-il scandalisé de quelques-uns de ces traits que Voltaire savait toujours, quelque sujet qu’il traitât, décocher par occasion contre le fanatisme et l’intolérance ? C’étaient peut-être là des motifs secondaires ; mais la principale raison pour laquelle le chancelier proscrivit les Éléments, c’est l’irrévérence avec laquelle y étaient traitées les doctrines cartésiennes. Il se faisait, la loi à la main, le champion de Descartes.

Le cartésianisme, comme il a été dit tout à l’heure, était encore en pleine faveur à cette époque, et la physique même de Descartes n’avait été que faiblement ébranlée par les doctrines nouvelles. Toute la société polie était cartésienne ; il était de bon ton de faire acte de foi aux trois éléments et aux tourbillons. Les grandes dames et les petites-maîtresses avaient sur leur toilette les Entretiens sur la pluralité des mondes de Fontenelle, où toutes les grâces du style étaient mises au service du système astronomique de Descartes. On défendait Descartes dans les cercles les plus élégants, on l’étudiait à la