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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

n’y a, pour quiconque pense, ni Français ni Anglais ; celui qui nous instruit est notre compatriote. »

Ici Voltaire est entraîné trop loin par son zèle ; il ne tient aucun compte d’une controverse qui s’était élevée au sujet des idées de Newton sur la nature de la lumière, et dont l’initiative revenait à Malebranche et à Huyghens, c’est-à-dire à la France. Newton, pour rendre compte de la lumière, avait supposé que les corps lumineux lancent de petits corpuscules dont le choc vient émouvoir notre rétine. C’est la théorie de l’émission. À cette théorie, on ne laissait pas de faire de graves objections. On demandait à Newton : « où va la lumière quand elle s’éteint ? que deviennent à la longue ces corpuscules qui sortent sans cesse des sources lumineuses ? » Descartes avait, comme on sait, émis l’idée qu’une matière subtile remplit les espaces planétaires. On s’empara de cette conjecture à l’aide de laquelle il avait vainement essayé d’expliquer les phénomènes astronomiques ; on l’appliqua à la lumière. Malebranche fut des premiers à soupçonner que la lumière est produite par les ondulations d’un éther, et que les différences des longueurs d’ondes constituent les couleurs. Huyghens adopta ce système et en soumit les déductions au calcul.

Newton et Clarke, ayant eu connaissance de ces travaux, défendirent énergiquement leur théorie de l’émission. Huyghens faisait remarquer que, si l’on ouvre un très-petit trou dans le volet d’une chambre obscure, on reçoit un faisceau lumineux qui diverge du trou sous forme conique ; or, des corpuscules qui viendraient directement du soleil suivant l’opinion newtonienne et qui passeraient par le trou du volet devraient former, au sortir de ce trou, un cylindre étroit et non un cône. Newton retournait l’argument. Si la lumière est le mouvement d’une matière subtile, disait-il, elle ne devrait pas rester confi-