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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

L’algèbre, les soupers, le latin, les jupons,
L’opéra, les procès, le bal et la physique[1].

Voltaire dit aussi : « Elle aime un peu le monde ;

Cette belle âme est d’une étoffe

Qu’elle brode en mille façons.
Son esprit est très-philosophe

Et son cœur aime les pompons ;

mais les pompons et la mode sont de son âge, et son mérite est au-dessus de son âge, de son sexe et du nôtre. »

Madame du Deffand ne manque pas de prétendre qu’Émilie, née sans goût et sans imagination, ne s’était faite géomètre que pour se singulariser et se donner une supériorité sur les autres femmes. « Sa science, dit-elle, est un problème difficile à résoudre ; elle n’en parle que comme Sganarelle parlait latin, devant ceux qui ne le savaient pas. » En regard de ce jugement, plaçons encore celui de Voltaire. « Elle joignait au goût de la gloire une simplicité qui ne l’accompagne pas toujours. Jamais personne ne fut si savante et jamais personne ne mérita moins qu’on dit d’elle : c’est une femme savante. Elle ne parlait jamais de science qu’à ceux avec qui elle croyait s’instruire, et jamais elle ne parla pour se faire remarquer. Elle a vécu longtemps dans des sociétés où l’on ignorait ce qu’elle était, et elle ne prenait pas garde à cette ignorance. Les dames qui jouaient avec elle chez la reine étaient loin de se

  1. À ces vers, mis sous le nom de madame de Boufflers, mais dus à la plume de Voltaire lui-même, madame du Châtelet répondit :
    Hélas ! vous avez oublié,
    Dans cette longue kyrielle,
    De placer la tendre amitié :
    Je donnerais tout le reste pour elle.