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VOLTAIRE À CIREY.

Madame Denis, la nièce de Voltaire, qui vint faire visite à Cirey en 1738, trouve le château bien triste et bien isolé. « Cirey, dit-elle dans une lettre à Thiriot, est à quatre lieues de toute habitation, dans un pays où l’on ne voit que des montagnes et des terres incultes. Ils sont (Voltaire et madame du Châtelet) dans une solitude effrayante pour l’humanité, abandonnés de tous leurs amis et n’ayant presque jamais personne de Paris. Voilà la vie que mène le plus grand génie de notre siècle, à la vérité, vis-à-vis une femme de beaucoup d’esprit, fort jolie, et qui emploie tout l’art imaginable pour le séduire. »


Pour ce qui est du portrait de la dame du lieu, il a été fait plusieurs fois, et notamment par des plumes féminines, celle de madame du Deffand, celle de mademoiselle Delaunay.

Ce ne sont point là des esquisses flattées, et l’on peut dire que tout y est poussé au laid.

À travers ces peintures perfides, nous pouvons nous représenter la marquise comme une femme grande et un peu raide, mais non sans élégance, ayant quelque chose de viril dans les allures, avec un goût très-vif pour la parure et surtout pour les diamants, avide de tous les plaisirs, aimant le jeu plus encore que la géométrie, la danse au moins autant que la métaphysique, extrême d’ailleurs en tout, et ne connaissant guère de milieu entre l’attitude la plus sérieuse et la gaieté la plus bruyante. Madame de Boufflers peignait la variété des goûts de madame du Châtelet dans les vers suivants :

Tout lui plaît, tout convient à son vaste génie,

Les livres, les bijoux, les compas, les pompons,

Les vers, les diamans, le biribi, l’optique,